La Plume de DJoy et Florean,  Le Bandeau

Le Bandeau – Chapitre 1

Premier chapitre de Florean

1. Lèvres

Les passions peuvent me conduire, mais elles ne sauraient m’aveugler.
Comtesse de La Fayette, La princesse de Clèves

J’ai un bandeau sur les yeux.
C’est lui qui me l’a mis.
Il pose un baiser très doux sur mes lèvres.
– Allons-y, ma belle.
Il a un sourire dans la voix, mais je sens la tension qui se cache entre chacun de ses mots, comme un silence, un point d’interrogation. Il se demande jusqu’où je vais aller.
Moi aussi.
– Déboutonne ta chemise.
Je ne vois rien.
C’est moi qui lui ai demandé le bandeau.
Mes mains tremblent sur les boutons.
Je commence par le bas, délibérément lente.
Mon cœur cogne dans ma poitrine, chaque battement résonne jusque dans mon ventre, jusque dans mes reins, à la limite de la douleur. Je préfère ne pas le voir me regarder, je serais paralysée par la timidité.
Et le fait de ne pas voir… m’excite davantage. C’est vrai.
– Ouvre-la en grand.
J’ai la respiration haute. Les oreilles qui bourdonnent. J’écarte les pans de ma chemise si maladroitement qu’elle glisse de mes épaules.
Je sens un baiser sur mon cou.
– Tu es belle.
Je déglutis mais souris en coin. Ses lèvres se posent sur les miennes.
– Laisse la chemise.
Je hoche la tête imperceptiblement.
Il prend le vêtement entre ses mains. Je me demande s’il le respire. S’il hume mon parfum discret.
J’essaye de ne pas penser que je suis en soutien-gorge devant lui.
– Très bien. Enlève ton jean.
Mon cœur accélère. Qu’est-ce que je suis en train de faire ? Nous nous sommes rencontrés « en vrai » il y a quelques semaines après des mois de conversation par mail.
Il m’a plu.
Plus que ça, encore.
J’aime sa personnalité, c’est vrai. Son élégance. Ses mots. Sa douceur. Son honnêteté. Qu’est-ce qui m’a pris de m’enticher d’un homme marié ? Qu’est-ce qui m’a pris de préparer ce bandeau et de lui dire qu’une fois qu’il me l’aurait mis, dans ma petite chambre d’étudiante, il pourrait me demander ce qu’il voulait ?
Mes mains déboutonnent mon jean serré, qui dessine mes formes d’une manière scandaleuse. Par devant, c’est comme si je ne portais pas de culotte. On voit la forme de mes lèvres intimes moulées à l’entrejambe. J’ai pu surprendre un des ses regards qui m’a montré que ça ne lui a pas échappé.
Je me demande si ma culotte rentre dans mon sexe. Je n’ose pas la tirer. Elle doit montrer mon excitation. J’imagine ses doigts au creux de mes lèvres. J’ai chaud soudain.
Le pantalon tombe à mes pieds.
Il tourne autour de moi.
Je sens son sourire.
Sa curiosité.
Je voudrais qu’il me prenne dans ses bras.
Qu’il me déshabille lui-même.
Il ne doit pas oser.
Sa bouche se pose à nouveau sur la mienne.
Il sent bon. Ses lèvres son douce, larges et molles, elles s’accordent avec les miennes. J’entrouvre la bouche. Nos langues se touchent secrètement. Il sourit. Pas moi. Je suis trop… prête à tout.
Est-ce qu’il bande ?
L’idée me fait ruisseler d’excitation.
Il chuchote.
– Décide.
Je demande presque « Quoi ? », mais je me reprends. Bien sûr. Culotte ou soutif ?
Je me sens paralysée.
Si je choisis d’enlever le soutien-gorge, il va me penser timide. Classique. Banale.
Mais il aime mes seins, il me l’a dit, je les lui ai montrés en photo. Je lui ai tout montré. Mais mes seins… il les a souvent touchés, pressés – j’aime quand il me pince les tétons, lorsqu’il les flatte, ça me fait partir…
Si j’ôte la culotte… Va-t-il penser que je l’autorise à… à…
Non.
Je l’ai déjà autorisé à tout en lui tendant le bandeau.
Je ne veux pas qu’il me croie timide.
Je glisse les mains le long de mes hanches.
Le tissu soyeux descend lentement sur mes cuisses.
– Joli.
Je me suis épilée. Je sais qu’il aime ça.
– Le reste ?
Je hoche imperceptiblement la tête. Mon soutif rejoint le reste de mes affaires.
Il m’embrasse.
Je lui rends son baiser.
Nue.
– Merci.
Il s’écarte. J’entends un bruit que je ne parviens pas à analyser.
Il me prend une main, puis l’autre, et les pose sur sa tête dans ses cheveux fins et doux. Il est à genoux, devant moi. Devant mon sexe.
– On peut s’arrêter-là.
Je respire en saccades nerveuses. J’ai le trac. Je peux le repousser.
Ou…
Je l’attire à moi.
Ses baisers sont doux et lents, il prend son temps, me découvre sans hâte.
Mes mains fouillent ses cheveux au rythme de sa langue brûlante.
Il m’aspire et me flatte, j’ai la tête qui tourne dans le noir du bandeau, je m’oublie et me trouve, m’épanouis, m’ouvre.
Il faudrait que je m’asseye, je n’ose bouger, ni reculer, je m’appuie au mur voisin, une épaule, puis le dos, je ne lâche pas sa tête, il avance au fond de moi, cherche en mes plis, affole mon bourgeon, chasse mes peurs, les transforme en désirs.
Je ne sais pas ce qu’il fait, nez, lèvres et langues emmêlent mes sensations, il descend si bas, fouille si loin, pénètre et moule, contourne, darde, se pourlèche de mes coquins liquides, je ris de mes gémissements discrets qui le deviennent moins, je ne veux pas le laisser partir, il me contente et me consume, il répond à mes passions, je me sens bien impudique mais je sais déjà depuis longtemps que ça terminera ainsi avec lui.
Une lame, entre plaisir et douleur, me vrille soudain les reins, je le maintiens contre moi de toutes mes forces, toutes réserves levées, il ne bouge plus, me laisse me déverser sur sa langue douce, les yeux embués de plaisir, le cœur gonflé de… de… je ne peux pas me résoudre à dire ce petit mot. Pas encore. Je dois me tromper.
Il s’écarte lentement de moi et se relève.
Je m’attends à ce qu’il me prenne.
Ce serait ma première fois.
Je suis en condition pour.
Mais il m’ôte le bandeau.
La lumière crue des bougies me fait cligner des yeux.
Il me sourit.
– Merci.
Je l’embrasse avec un peu trop de fougue.
Il rit silencieusement.
Il me tend le bandeau.
– A toi.
J’attache le tissu noir autour de ses yeux, cœur battant.

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