Historiettes,  La Plume de Florean

Le 77ème – Chapitre 2

Ironie

Ulysse Walrus me détaille, de haut-en-bas. Il sourit.
– Entrez.
J’ai le coeur qui bat si fort que je le sens jusque dans mes os.
J’avance d’un pas hésitant. Il me tend la main, comme un gentleman aidant une demoiselle à monter dans un bateau qui tangue dangereusement. Je l’attrape, tremblante.
– Marie, c’est ça ?
Je hoche la tête.
– Marie, fermez les portes. Le bouton, à droite.
Il a les plus beaux yeux du monde. Bleu nuit, éclats d’ambre. Je serre les cuisses. Je vais vraiment le faire !
J’appuie sur le bouton de fermeture. Il m’observe, sa main dans la mienne, douce, sèche, chaude.
Les portes coulissent silencieusement. Je suis seule avec lui.
Ulysse Walrus.
L’homme qui possède la moitié de la planète m’a choisie, moi !
– Vous êtes différente des autres…
Je grimace intérieurement. Je n’ose pas parler. Ça ne semble pas nécessaire.
La lumière ne s’éteint pas dans la cabine, il n’a pourtant pas choisi d’étage encore. Selon les rumeurs, il ne fait ce choix qu’après avoir… commencé. Plus il aime, plus il choisit haut. Peu des filles qui ont été sur la liste peuvent se vanter d’avoir foulé le 77ème ciel…
– Les autres filles s’agenouillent et ouvrent mon pantalon à peine ces portes fermées. Certaines se déshabillent sans attendre. D’autres gonflent la poitrine et essayent de m’aguicher, comme si je n’avais jamais vu une femme de ma vie.
J’écarquille les yeux ! J’aurais dû faire ça !
Je vais pour me mettre à genoux mais il me retient par la main.
– Non.
Je suis grillée ! Ce n’est pas possible ! Quelle gourde !
Il ne fait pas mine d’ouvrir les portes. Mais il ne m’approche pas non plus.
– Vous êtes avec quelqu’un ? Mariée, peut-être ?
Je ne peux pas le quitter du regard. Il est juste trop beau. Ma peur se mêle d’une envie presque douloureuse. Je réponds, le souffle court.
– En couple. Mais pas mariée. Un gentil garçon.
– Je vois. Vous avez postulé pour la liste malgré votre… engagement ?
Je rougis encore. J’ai inscrit mon nom chaque semaine depuis deux ans.
– Oui.
Il desserre sa cravate et ôte un bouton de sa chemise. Mon coeur manque plusieurs battements. Son torse puissant, moulé par le tissu serré, me semble sec, musculeux. Je m’humecte les lèvres.
– Puis-je savoir pourquoi ?
Je suis comme hypnotisée.
– Vous… vous êtes Ulysse Walrus.
Cette explication semble lui plaire.
– Je vois. Et vous allez lui dire ?
Il n’ajoute rien de plus. La question est limpide. Est-ce que je vais dire à Seb que j’ai été sur la liste aujourd’hui ? Je n’y ai pas songé, mais la réponse me vient, automatique.
– Oui, bien sûr.
– Oh. Là encore, puis-je savoir pourquoi ? Ne craignez-vous pas sa jalousie ?
Je me demande vaguement ce qu’il sait de ma vie.
– Jalousie ? Vous êtes Ulysse Walrus. Il saura – il sait déjà – que ni lui, ni moi, ne sommes de taille pour vous.
Son visage se fait sérieux.
– Comment ça ?
Je me calme peu à peu. La conversation m’apaise, et, inexplicablement, elle accroît mon besoin de me soumettre à ses…caprices.
– Je sais que je ne suis personne pour vous, juste une employée talentueuse, une belle brune au physique attirant, tout le monde sait que vous nous engagez sur ce critère aussi. Nous allons… prendre du plaisir… mais au final, je ne suis que ça, un plaisir consentant. J’ai très envie de vous. Mais vous n’êtes pas pour moi, mon ami le sait aussi bien que moi.
Je voudrais faire un pas vers lui, le déshabiller, en finir. J’ai si hâte !
– Vous êtes vraiment différente des autres, Marie. Franche. Ravissante. Directe.
Je déglutis difficilement. Est-ce que je suis allée trop loin ?
– Je…
– Quel étage choisiriez-vous ?
– Pardon ?
Jamais il ne laisse une fille choisir !
– Appuyez sur un bouton. Jusqu’où voulez-vous aller ?
Je réponds dans un souffle.
– Jusqu’au ciel.
Il s’approche de moi. Enfin.
Ses lèvres effleurent les miennes. Il murmure:
– Appuyez.
Je déglutis et lève une main mal assurée vers le bouton le plus haut, un rond d’acier gravé de deux « 7 » couleur anthracite.
La lente ascension commence, les vibrations sont légères.
Il sourit et pose à nouveau ses lèvres sur les miennes.
– Vous vous trompez. Je crois que vous serez importante pour moi.
Je plonge mon regard dans ses yeux et m’y perds. Des mots. Je veux juste me le faire une fois dans ma vie. Je compte bien en profiter.
– Savez-vous ce que j’aime dans les ascenseurs, Marie ?
Il me prend les mains et les guide vers sa ceinture, que je défais sans attendre. La boucle glisse sans effort. Le cuir est doux et lisse. Mon corps vibre d’envie.
– N…non ?
Je saisis sa queue massive entre mes doigts, il ne bande pas encore, mais le contact suave me soulage instantanément. Je n’en reviens pas de la taille du membre qui s’éveille déjà. Les rumeurs étaient donc vraies.
– L’allégorie.
J’enserre le dragon et le sens s’éveiller sous mes doigts.
– L’allégorie ?
Il déboutonne sa chemise. Il sent si bon…
– Ne voyez-vous pas ? Cet objet oblong qui glisse dans un tunnel jusqu’au pinacle et qui déverse sa charge une fois celui-ci atteint… Il y a une ironie à trouver le plaisir dans un ascenseur aussi long que le mien…
Je souris. Il parle comme un intellectuel au moment où je le déshabille ? Je l’embrasse en serrant plus fort le sexe qui s’allonge dangereusement entre mes mains, et je chuchote, coquine:
– Alors… goûtons cette ironie.

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