Invisibles
DJoy et Florean
Il l’attend dans une rue qui passe juste sous la gare. Elle arrive, il le sait. Le train passe au-dessus. Son coeur se cabre et hennit, cheval sauvage. Il rit de l’entendre galoper ainsi.
Il compte les instants. Il sait que le train s’arrête.
Que les sonneries d’ouvertures des portes résonnent.
Que le bouton vert clignote.
Il sait qu’elle doit trouver l’escalier qui descend.
Passer sous les voies.
Remonter.
Elle doit ensuite trouver la rue.
Marcher jusqu’à lui.
Son coeur s’emballe. Il lève les yeux. Une silhouette apparaît dans la rue déserte – il a choisi la rue pour sa discrétion – il regarde mieux, il n’est pas sûr…
…mais c’est elle.
Elle sourit, timide.
Elle a une jupe et un long manteau.
Ils se prennent dans leurs bras, ils savent qu’ils ne devraient pas, pas encore, mais leurs visages se touchent, leurs lèvres aussi.
Un véhicule passe sur la route.
Ils attendent qu’il disparaisse avant de se donner la main, le doigt. Chaque fois qu’ils croisent quelqu’un, ils s’écartent, mais pas assez. Aucun d’entre eux ne le veut.
Sa voiture est là, garée dans une rue à l’écart, non loin de la forêt.
Il sourit, il marche sur un nuage, il ouvre la porte arrière, entre le premier, elle le suit.
La porte claque. Le silence règne autour quand ils s’enlacent, le souffle court, la respiration haute le coeur en émoi.
Il lui dit qu’il l’aime, qu’elle est belle, qu’elle lui a manqué. Elle le sait. Ses mots à elle sont les mêmes.
Ils s’embrassent.
Encore.
Et encore.
Il déboutonne son chemisier, expose les seins blonds en abaissant d’un geste maladroit le soutif élégant.
Il les caresse, les étreint, les malaxe, en étire les tétons et les goûte, chacun son tour.
Elle ne se cache pas. Elle l’encourage, même, le soir tombe au-dehors, la nuit précoce de l’hiver, la buée de leurs respirations mêlées couvre lentement les vitres gelées. Ils sont presque invisibles, déjà.
La première fois qu’ils se sont vus dans cette voiture, garée dans cette même rue, elle lui a ouvert son pantalon, s’est agenouillée dans l’espace étroit entre les sièges et l’a goûté pour la première fois, timide, douce, hésitante, d’abord avec la langue, puis avec les lèvres et enfin…
Alors, naturellement, elle ne rechigne pas à se dénuder ce soir. D’une pichenette, elle dégrafe le soutien-gorge et le soulève pour lui.
Il admire les seins charnus et pleins avant de les embrasser de nouveau, de les soupeser, de les malaxer jusqu’à la douleur. Jusqu’au plaisir.
Elle soupire et ronronne, elle se perd dans son cou, dans ses cheveux.
Il la pousse gentiment, l’allonge sur la banquette étroite, et soulève la jupe, caresse les jambes nues, les bottes hautes… Il tire sur la culotte et l’ôte complètement en faisant attention qu’elle ne touche pas le cuir des bottes pour ne pas la salir.
La buée couvre complètement les vitres. Ils sont invisibles.
Il se penche et plonge la langue dans le sillon inondé d’envie. Elle se cambre et se tend, elle écarte les cuisses, accroche une jambe sur un appui-tête, il la hume et la déguste, elle l’accueille et se dévergonde, excitée par le danger d’être vue des passants qui vont et viennent sur le trottoir, souvent, qui s’arrêtent, parfois, non loin, sans avoir conscience de l’amour nu qui s’effleure et s’effeuille dans la voiture bleu-ciel.
Il aspire le nectar de la fleur fendue et déboutonne son jean. Elle veut davantage. Lui aussi.
Il se soulève et porte son dard à la bouche de la belle, qui sourit, gourmande, et écarte les mâchoires pour le gober jusque dans sa gorge tout juste assez profonde. Finie la timidité des premières fois. Elle a apprivoisé l’oiseau, elle sait comment le faire chanter. Elle presse les bourses, joue de la langue, des lèvres et des doigts, il la regarde, voyeur, le cou tordu contre le plafond bas, émerveillé de la liberté qu’ils se donnent, tous les deux, de partager leur amour, leur envie, sans pudeur, en tout lieu, à tout moment.
Il n’y tient plus, il la relève, s’assied sur le siège, essoufflée, impatient, il se cambre, pieu dressé, elle s’assied sur lui, de dos, elle se plante d’un coup et gémit de reconnaissance… Sur un coup de tête, elle ôte chemisier et soutif, à demi-nue dans le froid de l’habitacle – mais elle a chaud, lui aussi.
La danse douce commence, il contemple le dos arqué, les fesses étroites, il la caresse, elle fait tout le travail, accrochée aux sièges avant, la tête rejetée en arrière, arc-boutée sur le sexe qui la porte aux cieux.
Les gémissements se font cris, les coups de reins se déchaînent, la croupe galbée claque contre les cuisses, il n’y tient plus, l’excitation retenue toute la semaine déborde soudain, explose dans les tréfonds de sa belle qui se cabre à chaque spasme chaud, qui tremble de le sentir fondre en elle, qui jouit des contractions qui l’inondent, qui la remplissent, qui la comblent.
Il se détend bientôt, les dents serrées, le sourire aux lèvres, il se soulève, la caresse, lui embrasse le dos, la serre contre lui, elle s’abandonne, sans se soucier de l’amour qui coule entre ses cuisses, qui tache jupe et boxer indifféremment.
Ils s’embrassent et se remercient en chuchotant, immobiles, invisibles, heureux.
Amoureux.