Le 77ème – Chapitre 1
La Liste
– Marie ! Tu es sur la liste !
Je lève les yeux de mon ordinateur. Sophie et Nadia me regardent, l’air envieux.
– La liste ?
Elles sont extatiques.
– L’ascenseur !
Je hausse les sourcils.
Mon coeur se met à cogner dans ma poitrine.
– Vrai ?
– Vrai !
Mes mains tremblent légèrement.
– Oh.
Nadia me caresse la joue.
– Tu es en tailleur, tu n’as juste qu’à déboutonner un peu ton chemisier et tu seras parfaite !
Sophie se mord la lèvre et se tortille sur place.
– Il paraît qu’il en a une énorme !
– Et qu’il est vraiment bien foutu…
– Anita a adoré ! Et elle a été sur la liste trois semaines de suite !
Nadia a vraiment l’air de vouloir être à ma place. Je la comprends.
– Elle n’a été qu’une seule fois jusqu’au 77ème… enfin… c’est ce qu’elle dit… je n’y crois pas trop.
– Une fois, ça m’irait !
Je m’humecte les lèvres.
– Je suis prévue à quelle heure ?
– 10h30. Tu as le temps de te faire une beauté !
Une beauté.
Je me lève d’un bond.
– Je vous laisse !
Elles rient joyeusement derrière moi alors que je file au lounge, à côté des toilettes. Les autres filles de l’open space me suivent du regard, envieuses. Je me demande si ma nervosité se voit sur mon visage.
Le lounge est désert.
Je suis la seule sur la liste ?
Inhabituel.
Mais je préfère.
Je me regarde dans le grand miroir en pied.
Mignonne.
Nez mutin.
Brune, carré impeccable.
Jupe courte, chemisier noir qui moule agréablement mes seins, accentue leur galbe rondelet.
Une veste qui complète le « tailleur » sexy. Un simple prétexte pour porter cette tenue affriolante.
Bas résille, qui m’arrivent à mi-cuisses, on aperçoit les porte-jarretelles quand je m’assieds.
Talons hauts, c’est l’évidence. Les filles à talons plats ne font pas long-feu ici. Sauf si elles ont une énorme poitrine.
Je respire mieux. Je suis à croquer.
Sur une coiffeuse du lounge, tout est prêt, le maquillage, le rasoir, l’eau chaude, le savon, la serviette.
Il aime les femmes aux lèvres rouges et au minou lisse, c’est de notoriété publique.
Je me remaquille rapidement. Fond de teint pâle, presque blanc, une touche d’ambre ocre sur les joues. Deux traits d’un noir profond sur les yeux – leur bleu n’en devient que plus éclatant, les hommes adorent. Et du rouge-à-lèvres écarlate.
Une poupée innocente et fatale me sourit dans la glace.
Je remonte ma jupette autour de mes hanches, ôte mon string qui s’accroche dans les talons de mes escarpins, et je rase consciencieusement le duvet léger de poils bruns.
– Un peu d’aide ?
Je sursaute. Nadia est entrée sans que je l’entende.
– Tu m’as fait peur.
Elle a l’air amusé. Elle s’agenouille devant moi et me prend le rasoir des mains.
– Donne-moi ça, assieds-toi et laisse-toi faire.
J’hésite un instant avant d’obéir. Je risque d’être en retard si je ne me décide pas.
Je recule et me cale sur le rebord de la coiffeuse.
– Tu as une jolie chatte.
J’écarquille les yeux à la rudesse du langage dans la bouche de la frêle et timide Nadia, mais ce n’est rien à côté de ma surprise lorsqu’elle pose un baiser au creux de mon envie. Je me mords la lèvre inférieure, à la fois outrée et ravie.
– Nadia !
Elle plonge sa langue aussi loin qu’elle peut, je serre les poings sous le coup du plaisir soudain.
– Na…dia !
Elle rit en se retirant lentement et se met à me raser en de petits gestes précis.
– Tu as un bon goût. Il va aimer. Je parie que tu iras au 77ème dès aujourd’hui.
Les lames sont fraîches sur mes grandes lèvres. Les doigts de sa main gauche sont posés sur mon clitoris et se promènent le long de ma vulve glissante pour en protéger la chair tendre.
Je respire plus rapidement, à moitié gênée, à moitié demandeuse… elle sourit en coin en humectant la peau molle et en faisant glisser le rasoir là où les derniers poils se cachent. Ses doigts se font plus insistants. Je gémis discrètement, incapable de cacher mon désir naissant. Un majeur coquin vient me soulager. Je la laisse faire.
Elle rince les lames dans le bol, une poussière de poils fins flotte dans l’eau savonneuse.
– Tourne-toi.
J’hésite encore.
Elle hausse un sourcil.
– Tu sais ce qu’il aime. Tu ne veux pas avoir une touffe au creux du cul ?
Je me sens rougir.
– Tu crois qu’il va aller jusque-là ?
– Tourne-toi.
J’obéis en plaçant les deux coudes sur la coiffeuse, les fesses cambrées. Elle remonte la jupe sur mes hanches, en écarte les lobes rebondis et s’applique à traquer les derniers poils avant de répondre, d’un ton sérieux:
– S’il va jusque-là, c’est que tu es au 77ème. Tu le sais.
Je la vois, dans le miroir, sur la coiffeuse.
– Oui.
J’ai un creux dans le ventre à cette idée.
– Tu l’as déjà fait ?
Je hoche la tête négativement.
Elle fronce les sourcils à nouveau.
– Pas bon, ça, il va le sentir.
– Comment ça ?
Mon coeur s’est remis à tambouriner sous mon chemisier serré.
– Tu es prête à le faire ?
J’acquiesce en tremblant un peu. Si la rumeur est vraie, ce ne sera pas simple ni sans douleur. Je déglutis. J’ai la bouche sèche.
Elle donne un dernier coup de rasoir et me rince soigneusement. Ses doigts dérapent parfois, les sensations soudaines me vrillent les reins. Je reste cambrée en arrière, la jupe autour des hanches. Je me sens belle.
– Si tu es prête à le faire… Il y a un moyen… attends.
Elle attrape mon crayon à maquillage et griffonne quelque-chose sur le haut de mes fesses, puis trace un signe en insistant davantage en leur milieu.
– Qu’est-ce que…
– Chut.
Il faut que je me calme. Que je lui fasse confiance.
– Voilà. Ne remets pas ta culotte. C’est l’heure.
Je me redresse en rajustant ma jupe.
– Merci. Qu’est-ce que tu as dessiné ? Une espèce de tatouage ?
Elle me lisse une mèche de cheveux et pose légèrement ses lèvres sur les miennes sans répondre.
– Tu vas être en retard.
Elle a raison. J’ai juste le temps de rejoindre l’ascenseur. Je me demande si je dois insister, mais non, je lui fais confiance. C’est une amie.
Je quitte le lounge en marchant trop vite.
– Merci, souhaite-moi bonne chance !
Elle rit.
– Tu me raconteras comment c’est au 77ème !
Je ris nerveusement.
– Promis.
J’arrive à l’ascenseur alors qu’il s’ouvre.
Il m’attend déjà.